Journal d’une confinée

 

 

Dimanche 3 mai 2020, 48ème jour de confinement, dimanche pluvieux comme souvent début mai ! Le temps n’est pas ma préoccupation première en cette période de pandémie mais il agit insidieusement sur mon moral comme s’il voulait renforcer mon mal.  Ce mal porte un nom le Covid19. Il a tout sapé, notre santé, notre moral, notre joie de vivre. Il n’aura pas mes rêves.

La matinée s’étire avec les tâches ménagères habituelles et ne me laisse pas voir que la pluie a cessé, que le ciel s’est éclaircit et laisse une place de plus en plus grande au soleil.

C’est un bel après-midi qui commence. J’abandonne l’ordinateur devenu depuis le début du confinement l’ami le plus fidèle, le refuge premier où je trouve le réconfort en lisant ou relisant les pensées humanistes de nos philosophes. Je rejoins la terrasse de mon appartement, mon autre lieu privilégié quand le beau temps s’installe. Ce petit paradis de 10 m2 est un havre de verdure avec ses lauriers qui s’échappent de leurs bacs et se déversent comme des saules pleureurs au-delà de la balustrade en direction du jardin.  C’est le domaine privé de la résidence mais depuis le premier étage il offre à mon regard le vert de son gazon, les couleurs de ses pétunias et la majesté de ses trois conifères.

Confortablement installée dans une chaise longue protégée du soleil par un large parasol je me prépare à la lecture ou plutôt à la relecture du dernier Modiano. Aucun bruit ne  vient de l’extérieur à part le chant de quelques oiseaux bizarrement  égarés dans la ville. Mes yeux regardent sans vraiment le voir ce paysage si familier et peu à peu ma vue se trouble, un flou s’installe malgré moi avec force. Le jardin d’ici est devenu un autre.

Cet autre jardin est celui de l’hôtel où j’avais passé quelques jours en mai de l’année dernière.  Je le reconnais à ses parterres de fleurs, à son herbe courte et fine, à ses mimosas de fin de saison. Je vois la piscine un peu plus loin protégée par sa bâche d’hiver et au-delà, oh miracle, c’est la mer que j’aperçois. Mes yeux se ferment pour savourer ces moments d’émotion si forts et si présents. Regarder la mer ne rien faire d’autre que regarder la mer…C’est mon remède magique en cas de grande souffrance.

Me revient en mémoire cette crique proche de l’hôtel à laquelle on accédait par un chemin escarpé caillouteux et dangereux. Je crois voir  une silhouette escalader les rochers pour rejoindre une place d’où l’on domine le monde en contemplant l’infini, la mer et les îles d’Or.

 Je crois que mes yeux se sont alors fermés et que la réalité des lieux s’est effacée laissant la place au souvenir ! Qu’elle était loin la pandémie et son virus destructeur devant l’étrangeté de mon rêve qui m’entraînait  dans un ailleurs apaisant .

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